INSPIRATIONS : La Jordanie, entre émerveillement et souci d'un tourisme responsable.
- Sophie Bailly-Soulier, décoratrice
- 23 mai 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 avr. 2024

Avec ses multiples vestiges d'un passé riche de civilisations anciennes et ses paysages désertiques grandioses, la Jordanie a de quoi éblouir les visiteurs. La trace mémorielle reste sans conteste les superbes couleurs chaudes du site de Petra, ancienne cité Nabatéenne éblouissante à tous égards... sans parler du coucher de soleil dans le désert du Wadi Rum sur les traces de Lawrence d'Arabie! La rencontre avec les chameliers Bédouins et les fileuses de laine nous renvoie à notre mode de vie à l'occidentale où le confort et l'eau courante sont une banalité. Au cours d'un tel périple, on ne peut que s'interroger sur l'impact écologique d'un tourisme de masse bien rodé, au demeurant première source de revenus du pays. Au titre des gestes responsables élémentaires du visiteur, soutenir l'artisanat local sonne comme une évidence pour que le fruit du tourisme profite pleinement aux jordaniens.
La Jordanie une terre de couleurs et d'histoire

Quand on évoque la Jordanie, on pense nécessairement à Petra! Et pour cause, le site, classé au patrimoine mondial de l'Unesco est tout à la fois un joyau architectural de l'Antiquité et un site naturel exceptionnel de beauté. Dans ce relief rocheux aux falaises imposantes marbrées de rouge et d'ocre, les Nabatéens ont su durablement marquer leur présence en sculptant leur ville nécropole à même la roche, procurant au visiteur une impression de parfaite harmonie. En hiver, la pluie vient sublimer le site en ravivant plus encore les couleurs de la pierre! Les tombeaux troglodytes aux façades savamment travaillées de colonnades et frontons rompus sont à l'intérieur décorés de fresques minérales multicolores s'étirant du sol au plafond. Un décorateur n'aurait su faire mieux!
Les bédouins, des chameliers aux allures de princes du désert
A la sortie du Siq, les chameliers vous attendent avec leurs montures toutes drapées de couleurs. Les dromadaires font preuve d'une patience remarquable devant un flot de touristes qui viennent poser à leur côté et parfois faire l'expérience de les monter, tels des enfants au manège... et j'en ai fait de même! Chaque monture rivalise de parures multicolores : couvertures de laine, tapis kilim, colliers à pompons, sacoches et écharpes. Les bédouins quant à eux arborent une élégance naturelle, coiffés d'un keffieh qui surmonte un visage fin souvent barbu, le regard profond noirci par le kohl.
Les femmes, fines brodeuses et fileuses de laine

Les femmes bédouines perpétuent la broderie traditionnelle et le tissage de la laine de chameau dont elles confectionnent écharpes, vêtements, tapis et tentures. La laine de chameau est appréciée pour ses propriétés isolantes été comme hiver.
Dans le Wadi Rum, entre 4x4 et caravanes de dromadaires, les lodges "tout confort" poussent comme des champignons
Le désert du Wadi Rum est un lieu magique qui se prête à des randonnées en 4x4, à dos de dromadaires ou à pieds. Le relief y est fait de blocs de roches et de dunes, les couleurs sont superbes au coucher du soleil. Nous avons passé la nuit dans un des nombreux campement type lodges en exploitation : climatisation à partir de 18h, douche et toilettes dans chaque tente...l'eau est apportée par des camions citerne... entre l'agréable et le raisonnable, on s'interroge encore. Nous avons été reçus comme des rois et avons partagé un repas délicieux, préparé dans la tradition, avec cuisson dans un four ensablé! Seule ombre au tableau de cette étape, la construction à pas accéléré de nombreux lodges pour accueillir toujours plus de touristes. On ne peut que s'inquiéter de la sur-exploitation touristique de ce désert. Alors pour compenser notre empreinte carbone, nous avons, à l'initiative de Babeth -une personne du groupe que je salue-, ramassé quelques déchets laissés par les touristes avant nous (les bouteilles d'eau en plastique sont un véritable fléau). Et malgré leur état souvent délabré, les 4x4 roulent plus vite que les dromadaires! Points positifs question énergie : le pays connait un fort développement du photovoltaïque et de l'éolien.
Souk, camelot et Gift shops... la part du "Made in Jordan"
L'achat de "souvenirs" est une composante de voyage, un passage "obligé" dans un voyage organisé. Le touriste participe ainsi à un business-model supposé profiter à différents partenaires économiques. Personnellement, j'ai peu d'appétence pour l'achat en "gift shops" dont les 3/4 des articles proviennent aujourd'hui de Chine, en témoignent les énormes containers chinois vus sur le port d'Aqaba. Négocier est un jeu dont on ne sait jamais réellement si l'on sort "gagnant"... pour ma part, l'essentiel est d'être certaine que mes achats soient localement produits. Au titre des "spécialités" locales : les bijoux en argent et pierre bleue aventurine, les mosaïques, les statuettes en bronze de divinités, les poteries, les cosmétiques de la Mer Morte... tout cela est produit en de telles quantités que la production ne peut être que délocalisée plus à l'Est.
La Jordan Rivers Foundation, pour soutenir l'artisanat local et l'emploi des femmes
C'est à l'aéroport que j'ai enfin pu trouver quelques articles "Made In Jordan" sur le corner de la "Jordan River Designs". Cette marque créée par l'ONG à but non lucratif, la "Jordan River Foundation" sous le haut patronage de la Reine Rania Al Abdulla II, propose une sélection d'articles conçus et produits par des artisans locaux (coussins brodés, céramiques, paniers tressés). Créée en 1995, cette organisation développe de nombreux projets pour soutenir le développement local, et tout particulièrement le travail des femmes et l'éducation.
Jordan Rivers Foundation (JRF), partenaire RSE d'IKEA Jordanie
Lancé en 2017, le partenariat entre IKEA et la JRF vise à permettre l'emploi des femmes jordaniennes et des réfugiées syriennes en leur confiant la confection d'une première collection capsule nommée "TILLTALANDE" comprenant coussins et autres articles textiles exclusivement vendus par Ikea en Jordanie et à l'international. L'expérience initiale, qui a permis l'embauche d'une centaine de femmes a été pérennisée et emploie aujourd'hui 420 jordaniennes et syriennes qui produisent près de 300.000 pièces par an diffusées dans le Moyen-Orient, en Afrique et en Europe (collections HANTVER, BOTANISK, WHITE CAMEL and LOKALT)

La Mer Morte, plus que 50 ans à vivre... elle aura tout donné
Dead ! elle le sera probablement d'ici une cinquantaine d'années d'après les experts. Il suffit de descendre le chemin qui conduit à la plage pour comprendre le phénomène. Au rythme actuel de recul d'1 mètre tous les ans, ce lac salé sera complètement à sec avant la fin du siècle. Ce phénomène n'est pourtant pas une fatalité climatique, mais bel et bien le résultat d'une sur-exploitation humaine. L'extraction de ses minéraux dont la potasse des deux côtés du rivage provoque le tarissement progressif de la masse d'eau... le climat désertique aggrave fatalement la situation. En tant qu'Européens, nous succombons naturellement à l'expérience de la baignade aux allures de flottaison, nous nous enduisons de cette boue aux vertus thérapeutiques que nous sommes invités à retrouver dans les gammes de cosmétiques proposées aux touristes. Peu convaincue par la composition des produits proposés en Gift shops, j'ai finalement découvert à l'aéroport une marque jordanienne qui se revendique 100% locale et naturelle. Après vérification, elle semble assez recommandable tant sur sa philosophie que sur ses produits. Il s'agit de la ligne Trinitae qui propose une jolie ligne de soins, savons et sels aux délicieuses senteurs pour le corps et le visage "Made in Jordan".
Un remerciement tout spécial à notre guide local Issam qui nous a accompagnés tout au long de notre périple et à notre organisatrice de choc Muriel sans qui ce voyage n'aurait pas eu lieu! Yallah !!!
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